La faute de l’abbé Mouret, Emile Zola

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La faute de l’abbé Mouret est le cinquième tome des Rougon-Macquart (après La Fortune des Rougon, La Curée, La Conquête de Plassans). Le roman met en scène Serge Mouret, fils de François Rougon et Marthe Mouret, tous deux morts dans La conquête de Plassans. C’est dans ce roman que nous avions fait connaissance pour la première fois avec Serge. Le garçon tombait gravement malade et l’abbé Faujas s’occupait de lui, en lui inculquant les principes de la religion, ce qui allait conduire le jeune Serge à entrer dans les ordres. Lorsque commence l’action de La faute de l’abbé Mouret, Serge est prêtre dans un petit village perdu dans les collines, près de Plassans. Il vit avec sa sœur Désirée, simple d’esprit. Serge reçoit un jour la visite de son oncle, le docteur Pascal, qui lui propose de l’accompagner au Paradou, une immense propriété avec un jardin magnifique, où il doit se rendre pour soigner le gardien Jeanbernat. Lorsque Serge tombe de nouveau gravement malade, son oncle l’envoie au Paradou pour sa convalescence. Il rencontre alors la belle Albine dont il tombe amoureux. Le roman raconte le tiraillement de Serge Mouret entre sa foi et son amour pour Albine.

Le roman est divisé en trois parties. La première nous présente les personnages, en particulier Serge dont on découvre l’intensité de la foi. Celle-ci se traduit par une adoration extrême portée à la Vierge Marie, décrite à la fois comme une mère, une sœur, une fiancée. Le prêtre officie dans un village perdu dont les habitants ne descendent que d’une seule et même lignée. Serge est un jeune homme très sérieux, plus humain que l’autre figure religieuse du roman, frère Archangias, qui nourrit une haine viscérale à l’égard des femmes, vicieuses et tentatrices. À l’opposé de ces personnages aux préoccupations mystiques, on trouve Désirée, sœur simplette de Serge. Elle passe ses journées avec les animaux dans la basse-cour, se roulant dans la boue, vivant presque comme un animal. Son monde est purement terrestre, à l’abri de tout artifice. Serge ressent d’ailleurs un profond malaise quand il finit par accepter de la suivre dans la basse-cour. Les odeurs de vie, d’instinct animal, lui font perdre pied.

La deuxième partie du roman a failli me faire abandonner la lecture. Je n’ai pas trouvé le Zola que j’apprécie dans ces descriptions romantiques. Serge passe sa convalescence au Paradou. Il est alors seul avec Albine dans toute cette partie. Lorsqu’il revient peu à peu à lui, il renaît. Nouveau-né au monde, Albine doit lui réapprendre la marche et la parole. Pendant un très très long moment, Serge n’ose pas s’aventurer dans le jardin malgré les sollicitations d’Albine. Quand finalement il y parvient, Zola nous offre de longues, très longues descriptions de toutes les variétés de fleurs, plantes, arbres, témoins privilégiés de la naissance de l’amour entre les deux jeunes personnages. La nature est alors personnifiée, tour à tour amie et menaçante. Ce que j’aime chez Zola, ce sont les images, le fait que la nature ou le décor se trouvent en adéquation avec l’état d’esprit des personnages, avec l’ambiance du roman. Mais ici tous ces signes m’ont paru manquer de subtilité. On comprend très vite où l’auteur souhaite nous mener avec ses longues descriptions de plantes humanisées. Tout est trop évident, presque trop gros, on passe pas loin d’une caricature du naturalisme. Serge et Albine sont les nouveaux Adam et Ève, vivant très heureux au Parad(ou), jusqu’au jour où ils succombent à la tentation et se découvrent nus, coupables, pécheurs. Frère Archangias (dont le nom ne doit rien au hasard non plus) les surprend et accable Serge pour ses péchés avant de le ramener à sa vie de prêtre. Je me suis sentie étouffée dans ce huis-clos. Les descriptions sont longues et pénibles, qu’il s’agisse de la nature environnante ou de la naissance de l’amour entre Serge et Albine. Ce n’est pas dans ces passages romantiques qu’excelle Zola d’après moi.

Dans la troisième partie, Serge reprend sa vie de prêtre avec encore plus d’austérité. Il remplace ses statuettes de la vierge Marie par des crucifix. Au Paradou, il avait transposé son adoration de la Vierge sur Albine. Il l’aimait comme une idole. De retour dans la foi il rompt avec Marie comme il a rompu avec Albine. Désormais c’est Dieu qu’il loue et adore. Mais lorsque Albine, malade depuis son départ, vient le trouver, Serge est tiraillé. Dans une hallucination, il voit la nature détruire l’église, comme si l’amour triomphait. Mais Serge se complait finalement dans une position de pécheur, acceptant les souffrances que lui procure son tiraillement comme une pénitence divine.

Dans ce roman, Zola oppose la religion à la vie. Les figures religieuses sont présentées comme austères, superstitieuses et enfermées dans leur monde. À travers le personnage détestable d’Archangias, l’auteur exprime tout le mal qu’il pense de la religion. La troisième partie, plus vivante, m’a fait oublier l’ennui de la seconde. Et même s’il ne restera sans doute pas parmi mes préférés, c’est un roman encore une fois magistral.

Ce roman est aussi l’occasion de présenter le docteur Pascal, déjà rencontré dans les précédents tomes, mais que l’on découvre ici comme l’alter ego de Zola, chargé de rendre compte de la mission du naturaliste :

 « Un jour, je pourrai établir un tableau d’un fameux intérêt… »

 « Ça a bien tourné pour la fille, qui est aussi heureuse que sa vache. Ça a mal tourné pour le garçon, qui agonise dans sa soutane. Un peu plus de sang, un peu plus de nerfs, va te promener ! On manque sa vie… De vrais Rougon et de vrais Macquart, ces enfants-là ! La queue de la bande, la dégénérescence finale. »

3 réflexions sur “La faute de l’abbé Mouret, Emile Zola

  1. J’aime beaucoup ton analyse, surtout l’opposition faite entre Serge et sa sœur dans la première partie.
    Zola est mon auteur favori, mais je suis d’accord sur le fait qu’on ne retrouve pas forcément ce qui caractérise sa plume, c’est également l’impression que j’ai eu en lisant « La joie de vivre ».

    En tout cas, l’article est très pertinent !

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